L’EFCTC demande un durcissement des sanctions contre le trafic illégal de gaz fluorés
Depuis plusieurs années, un important marché noir d’hydrofluorocarbures (HFC), gaz réfrigérant utilisé par exemple dans les climatiseurs de logements et les pompes à chaleur, prospère dans l’Union Européenne. L’introduction illégale de ces gaz à haut Potentiel de Réchauffement Planétaire sur le marché unique européen prend des proportions de plus en plus alarmantes : selon une analyse menée en 2019 par l’EFCTC (European FluoroCarbons Technical Committee), le marché noir des HFC pourrait représenter jusqu’à un tiers de la taille du marché légal de ces gaz. Plus de 390 rapports anonymes ont ainsi été enregistrés depuis 2019 sur la plateforme Action Line de l’EFCTC, et 1 595 infractions ont été signalées en ligne uniquement en 2021, dont 1 587 auxquelles il a pu être mis fin. D’après l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), pour la seule année 2021, plus de 230 tonnes de gaz HFC importés illégalement ont été saisies.
Le développement de ce trafic trouve sa source dans le différentiel entre les législations prises pour réguler les HFC dans les différentes zones économiques : l’Union Européenne a en effet adopté une législation dite « F-Gas » en 2014 visant à réduire de 79 % d’ici à 2030 l’usage des HFC, et chaque acteur du marché européen s’est vu allouer des quotas de gaz qu’il est possible de mettre sur le marché. Un accord mondial de 2019, l’amendement de Kigali au protocole de Montréal, prévoit également la réduction progressive des HFC au niveau international d’ici à 2047, avec un calendrier différent entre les pays développés et ceux en développement. Le coût des HFC dans l’Union Européenne, dû au système de quotas mis en place, a entraîné le développement du trafic de ces gaz.
L’EFCTC tire depuis plusieurs années la sonnette d’alarme sur l’urgence de renforcer les mesures pour endiguer ce commerce illégal de HFC, qui menace les entreprises du secteur, prive les États membres de recettes fiscales liées à la TVA et aux droits de douane et laisse prospérer une filière de crime organisé. L’EFCTC a ainsi mis en place une plateforme « Action Line » qui permet à toute personne suspectant une activité frauduleuse de la dénoncer de manière anonyme.
Mettre fin au trafic illégal de HFC est d’abord un enjeu climatique majeur. Le système de quotas mis en place par l’Union Européenne, en obligeant les industriels à réduire les quantités de HFC mises sur le marché, a généré de nouvelles opportunités pour les contrebandiers de combler le vide ainsi laissé sur le marché légal. Les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays membres et le système de quotas imposé aux industriels se trouvent donc aujourd’hui mis à mal par le commerce illégal de HFC : les importations illicites représentaient à elles seules jusqu’à 31 millions de tonnes CO2 en 20193.
Un durcissement des sanctions s’impose pour des raisons de sécurité environnementale également : les HFC sont des gaz liquéfiés sous pression. Le stockage, le transport et l’installation incorrects des HFC illicites peuvent donc causer des fuites qui ont un impact sur l’environnement lorsque ces gaz ne sont pas manipulés correctement par un professionnel.
Face à cette situation, la proposition de révision des mesures d’exécution dans le règlement sur les gaz fluorés de la Commission Européenne, publiée en avril 2022, est un premier pas, que l’EFCTC salue : elle vise à prévenir le commerce illégal des HFC en Europe, en permettant aux autorités douanières et de surveillance de contrôler plus facilement les importations et les exportations, et en prévoyant de renforcer et d’homogénéiser les sanctions parmi les Etats membres.
L’EFCTC est donc favorable à ces propositions, qui vont dans le bon sens, mais estime que les mesures d’application peuvent, et doivent aller plus loin. L’EFCTC appelle donc à la mise en place de sanctions minimales dissuasives harmonisées, et à une mobilisation accrue de chaque Etat membre au niveau national, qui permettront de contribuer à la réduction du commerce illégal, et également les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre.
La proposition de révision de la Commission Européenne fixe également un objectif de réduction de 98 % de l’utilisation des gaz fluorés d’ici 2050. Les associations professionnelles d’utilisateurs de ces gaz ont exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis de cet objectif, qui risque de compromettre la transition énergétique des États membres de l’Union Européenne, en freinant notamment le développement des pompes à chaleur, fondamentales pour relever ce défi. La réduction drastique des quantités de gaz fluorés autorisées sur le marché pourrait également contribuer à l’essor du commerce illégal. « Nous craignons notamment que les réductions des quantités de gaz fluorés autorisées sur le marché conduisent à tendre de plus en plus ce dernier, et favorisent le commerce illégal. L’un des points complexes de cette régulation, c’est que les fabricants se sont déjà adaptés aux quotas annoncés en 2014, ils ont prévus leurs investissements. Ils vont malheureusement devoir se réadapter aux changement induits par cette révision du règlement sur les gaz fluorés très rapidement », déclare Nick Campbell, président de l’EFCTC.